Karine

Karine

Karine

Date de publication du témoignage :

RDV avec Karine (Lille). Entre cancer et Covid, elle nous livre son histoire, son ressenti, ses émotions.

​30 octobre 2010

Je m’apprête à rejoindre le monde des vivants après dix-neuf mois de mise à l’écart suite à un court-circuit de mon ADN. Debout sur mes deux jambes, changée à jamais, après une traversée longue et tumultueuse, de soins pour un cancer du sein.

Il y a d’abord eu l’annonce, le choc de l’annonce. Après avoir combattu en tant que médecin, pendant plus de quinze ans, auprès des malades du SIDA, j’étais à mon tour sous le coup d’un verdict fatal, (sans traitement radical, je savais que je ne m’en sortirai pas), et d’une peur sans précédent. Une peur tentaculaire, qui me fit craindre d’être engloutie. J’ignore aujourd’hui encore comment mon psychisme s’est réorganisé après l’impact. Ce dont je me souviens, c’est cette force insoupçonnée surgie de la profondeur, cette mobilisation générale et dans mon esprit, la certitude que j’allais traverser tout cela, et guérir.

Le parcours de soins fut bien balisé : chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie et un traitement par Herceptin, dit ciblé parce qu’il s’attaque à la machinerie tueuse, sans endommager les cellules saines. Je savais où j’allais. Une marche après l’autre.

Ce que je ne savais pas, c’était l’intense fatigue qui allait me clouer au lit, le goût de cette fatigue qui peu à peu se transformerait en abandon. Sentir, revenir dans mon corps, apprendre à desserrer les mâchoires, me laisser dilater, retrouver la pulsation de la vie au fond des alvéoles alors qu’une partie de mes cellules chahutées par la chimiothérapie se mourraient.

Le monde des vivants, je ne l’avais pas quitté. Je ne m’étais jamais sentie aussi vivante qu’en ces instants où une partie de mon corps se rendait.

Une fois la rive des bien-portants regagnée, j’ai eu le sentiment d’avoir appris avec cette maladie, d’avoir acquis un peu de sagesse.

Et puis la vie a repris un certain cours. Pas le même, un autre cours. Un métier un peu différent, de nouvelles amitiés, d’autres fidèles qui demeuraient là, des réussites et des déceptions, des amoureux de passage et toujours l’espoir de l’amour tant désiré.

30 octobre 2020

Je me replie dans ma maison pour la seconde fois cette année, contrainte par un brin d’ARN de m’isoler, comme des centaines de millions d’hommes et de femmes afin de préserver la vie. La mienne et celles des autres, en particulier de celles et ceux qui sont âgés, fragiles. Cette fois il s’agit d’un coronavirus émergé dans les confins de l’Asie, le SARS COV 2.

C’est la seconde vague et même si je la savais possible, je portais l’espoir fou que l’on y échapperait, comme la première fois, j’espérais que nous éviterions le pire.

Je me croyais vaillante, prête à affronter l’adversité mais il n’en est rien. Je ne suis ni forte, ni sage. J’ai peur de ne plus voir le jour, d’un hiver sans fin, de ne pas retrouver le chemin de l’aube balbutiante. Comme si je n’avais pas traversé, il y a dix ans, le couloir de la mort.

Ce n’est pas du virus dont j’ai peur. C’est de l’absence.

De l’absence de chair, de tendre, de bras qui m’enserrent, de cheveux qui se mêlent, de nos corps qui s’étreignent sur la piste de danse. De l’absence de toi, avec qui j’ai fait corps pendant le premier confinement. De ton absence aujourd’hui dans ma vie. De votre absence à vous, parents et amis proches, qui constituent cette chaîne vibrante qui se resserre quand il fait sombre et froid.

Je manque de nous, nous qui ramassons des mûres dans les bosquets des bocages de mon enfance, nous qui trinquons sur la terrasse d’un bistrot de quartier, nous qui enfourchons nos vélos pour parcourir les chemins de terre le long de la Deule, nous qui léchons nos doigts juteux devant notre plat de moules frites. Nous qui nous embrassons pour nous dire que nous nous aimons.

Ce nous dont les bras affectueux m’ont bercée et redonné confiance lorsque mon corps confit par la chimiothérapie se terrait dans la tanière de son lit.

Alors au fond de mon refuge, j’écris des rêves. Des rêves pour nous, pour dire mon besoin de vous, de nous, de ce tissu que nous allons coudre ensemble pour redonner de la couleur et de la chaleur à notre monde endolori.

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Marjorie

Marjorie

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Marjorie

Date de publication du témoignage :

RDV avec Marjorie (Pereybère – Ile Maurice). Touchée par un « petit cancer » comme elle le dit, elle souffre d’un sentiment d’illégitimité à gérer la période complexe de l’après traitements.

Le 21 décembre 2018, mon téléphone sonne. Ma gynécologue m’apprend que la biopsie faite la semaine précédente a révélé des cellules cancéreuses. Alors, rien de bien dangereux selon ses dires : une simple opération suffira à résoudre le problème.

Deux jours après, j’enchaine les examens : mammographie, IRM et rendez-vous chez un spécialiste du cancer du sein. Le couperet tombe : ma vie n’est pas en danger, on va « juste » devoir m’enlever un sein. Tout s’enchaine : rendez-vous avec le chirurgien esthétique, avec le gynéco, avec l’anesthésiste et trois semaines après, je passe sur le billard.

Je remercie tous les jours de ne pas avoir eu un cancer plus grave qui aurait nécessité des traitements lourds. Mais voilà, justement, je vis une chose terrible à mon niveau et je me sens illégitime dans ma souffrance. Comment se plaindre de ce que je vis, alors que d’autres patients enchainent les séances de chimiothérapie sans savoir si les traitements vont marcher ou pas ?

À 35 ans, apprendre que l’on va perdre une part de sa féminité est d’une violence sans nom. Mais voilà, il faut avancer, ne pas sombrer. Pour m’aider dans ce cheminement, j’ai décidé d’écrire un blog. Je l’ai écrit pour moi, mais aussi pour mes amis et ma famille, pour qu’ils comprennent ce que je traverse.
Cette épreuve aura remis énormément de choses en question dans ma vie. Six mois après mon opération, j’ai décidé de quitter mon emploi et de partir voyager. C’est un projet que j’avais depuis longtemps, mais je n’avais jamais eu le courage de franchir le pas.

Cette épreuve m’aura permis de me rendre compte à quel point la vie est précieuse et qu’elle peut basculer en un instant.

https://joyeuxcancer.home.blog/author/marjyy/

Sylvie

Sylvie

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Sylvie

Date de publication du témoignage :

RDV avec Sylvie (Limoges). Elle a créé une association et un lieu de partage et d’écoute, pour gérer la période compliquée de l’après-cancer.

En 2016, j’ai été traitée pour un lymphome : dix séances de chimiothérapie, sur six mois. Une épreuve physiquement et moralement mais la chance d’être en rémission dès la fin du traitement. C’est étrange de s’entendre parler de chance, alors qu’on a approché la mort, et que dans mon cas, je dois apprendre à vivre avec des effets secondaires permanents et ne peux reprendre mon travail.

Infirmière libérale avant d’être malade, j’ai accompagné de nombreuses personnes touchées par le cancer. Leur courage et la dignité dont elles faisaient preuve dans cette situation à l’issue incertaine m’impressionnaient et je me suis souvent demandé : comment réagiras-tu si un jour tu es dans la même situation ?

Dans mon cas, je n’ai jamais pensé que j’allais mourir pendant le traitement. C’est après que les angoisses sont apparues. En fait, le cancer surgit dans une vie comme un ouragan. Pendant de longs mois, toute l’énergie du malade et de son entourage est mobilisée pour se battre contre la maladie, supporter les traitements, la souffrance et composer avec les difficultés du quotidien.
Puis vient, de plus en plus souvent, l’annonce de la rémission, l’arrêt des traitements, l’espacement progressif du suivi médical mais aussi l’apparition d’émotions contradictoires : le soulagement et l’espoir cohabitent avec l’épuisement et le sentiment de se sentir soudain seul, inquiet pour l’avenir et désemparé.

C’est à cette étape de mon parcours que mes différentes expériences de malade, soignante et cadre de santé se sont rencontrées. Encouragée par quelques amis bienveillants, j’ai élaboré un projet qui proposait de prendre en considération les spécificités de l’après-cancer et d’aider les personnes à retrouver l’énergie et la confiance nécessaires pour se reconstruire et, à nouveau, sourire à la vie.

L’association Phoenix Attitude est née en janvier 2018 pour porter ce projet. Soutenue par l’ARS Nouvelle Aquitaine, nous avons ouvert le 3 décembre 2018, à Limoges, un centre d’accueil pour accompagner la reconstruction après un cancer.
Ce lieu est destiné aux personnes en rémission, à leurs proches et aux aidants.

L’association leur propose un accompagnement centré sur la récupération physique, la détente, le bien-être et la réflexion autour des projets personnel et/ou professionnel.
Dans un espace symboliquement appelé « Le Nouveau Souffle », les bénéficiaires trouvent un salon de rencontre et de partage et participent à des ateliers individuels et collectifs animés par des professionnels qualifiés :
– La gymnastique, la marche pour reprendre une activité physique régulière,
– La détente/respiration, la réflexologie, le yoga pour relaxer son corps et apaiser son esprit,
– Les soins du corps pour retrouver des sensations agréables et une bonne image de soi,
– La cuisine santé pour adopter une alimentation équilibrée,
– Le groupe de parole pour mettre en mots, partager ses ressentis,
– Le coaching pour accompagner le retour au travail, faire de nouveaux projets.

La première année a été encourageante et malgré la situation sanitaire actuelle, le développement de l’association se poursuit en 2020. Nous envisageons de développer les activités existantes et d’initier de nouveaux projets parmi lesquels :
– un film documentaire réalisé par nos bénéficiaires. Ils témoigneront des difficultés vécues à la fin des traitements et de l’énergie que demande la reconstruction. Ce documentaire participera à l’information sur une période de transition, mal connue et sous-estimée. Il sera également le témoin des capacités et compétences que l’on peut développer malgré les épreuves,
– la mise en place de séjours d’une semaine en Limousin, à destination de personnes venant de toute la France, pour initier leur reconstruction après un cancer.

Une belle dynamique est en marche. La bonne humeur règne au quotidien dans nos locaux et pour moi, la joie de participer à cette belle aventure.

https://phoenix-attitude.fr/
https://www.facebook.com/Association-Phoenix-Attitude-1198368146972766
phoenixattitude@orange.fr

Juliette

Juliette

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Juliette

Date de publication du témoignage :

RDV avec Juliette (Seine et Marne). Elle a créé l’association Sein Bio’z qui œuvre auprès du personnel médical pour sensibiliser au dépistage du cancer du sein chez la femme enceinte.

14 juin 2016, enceinte de 8 mois, le téléphone sonne. L’obstétricienne ouvre une consultation son jour de repos, je comprends immédiatement que la boule tâtée en mon sein un mois plutôt n’est pas un simple signe de préparation du lait ! L’annonce tombe : cancer du sein stade 2, grade 2, HER 2 +++, j’ai l’impression d’être dans un mauvais Star Wars.

L’accouchement est déclenché. Après trois jours de souffrance, ma fille naît et ma volonté de vaincre s’accroît. Après l’ablation de la tumeur, les chimios, une reprise chirurgicale, la radiothérapie et deux ans d’hormonothérapie, je suis en rémission complète.

Je profite de cette pause professionnelle, pendant et après une reprise en mi-temps thérapeutique, pour créer mon Association SEIN BIO’Z et écrire mon témoignage. Je suis auteure de « Nous ne t’avions pas invité » (éditions l’Harmattan).

L’objet de l’association SEIN BIO’Z est de prévenir et informer le corps médical et les soignants au dépistage du cancer du sein chez la femme enceinte, en témoignant sur mon parcours et mes rencontres. C’est également prévenir et informer le grand public au dépistage du cancer du sein par la présence à des stands de prévention, lors de manifestations (sensibilisation à l’auto-palpation, explication étude génétique, conservation de la fertilité…).

Mon livre est vendu sur plusieurs sites. Si j’obtiens des bénéfices, je les reverserai à la recherche contre le cancer. Je suis transparente et précise que je touche un petit pourcentage des ventes à partir du 501ème vendu.

Le plus important pour moi est de prévenir car un cancer diagnostiqué à temps est une vie sauvée !
Je vous souhaite à toutes et tous courage et force dans vos combats. Merci Cmynewme de nous donner la parole !

 

Anaïs

Anaïs

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Anaïs

Date de publication du témoignage :

RDV avec Anaïs (Paris). Touchée très jeune par un cancer, elle a retrouvé un haut niveau sportif et se prépare pour les sélections en équipe de France sur 100 km !

On m’a diagnostiqué un cancer du sein à l’âge de 24 ans, triple négatif avec métastases ganglionnaires. J’ai eu chimiothérapie, radiothérapie et ablation des deux seins. Aujourd’hui je suis heureuse et en rémission.

Lors de mes traitements et multiples opérations, j’ai été plutôt forte. J’ai toujours voulu avancer en étant positive et ça m’a beaucoup aidée, mon entourage également. Je n’ai jamais arrêté le sport lors de la chimio, de la radiothérapie… Et ça a été ma plus grande force, malgré les dires des médecins, ma source de motivation, mon mantra de chaque jour. Avancer quoi qu’il arrive : « Se dépasser quand tout va bien, se surpasser quand tout va mal. »

Grâce à cette motivation sans faille, huit mois après la fin des traitements, je gagnais en septembre 2016, le championnat de France de marathon en 2h54. J’avais déjà un niveau national avant la maladie.

Je pense qu’aujourd’hui, je relativise beaucoup plus. J’avance quoi qu’il arrive et je fais ce qui me rend heureuse et ce qui me passionne. Sinon, ma vie n’a pas tellement changé. J’ai repris le travail et le sport. J’ai même réussi à retrouver mon meilleur niveau, mieux qu’avant la maladie. C’est une belle victoire ! Je me sens bien dans mes baskets.

En 2021, j’espère pouvoir aller chercher une sélection en équipe de France sur 100 km et un podium au championnat de France, avec une possible sélection pour les championnats du monde. J’aime la vie que je mène, je ne l’échangerais contre rien au monde. Elle m’a apporté tellement. Je suis si reconnaissante, envers mon entourage et les personnes bienveillantes.

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