Hasnae

Date de publication du témoignage :

6 Juin. 2019

RDV avec Hasnae, 30 ans (Rabat – Maroc). Elle accepte son cancer avec une joie de vivre indéfectible.

« Cette année m’apportera une expérience dont je me rappellerai toute ma vie et que je raconterai à mes petits enfants ». C’était ma déclaration à mes amis le 1er janvier 2018. Je ne savais pas que cette expérience serait le cancer.
Faisant partie de moi, vivant et se nourrissant de mon corps, jour après jour et durant des années sans que je m’en aperçoive. Cinq ans ! Cela faisait cinq ans qu’il existait dans mon corps et ce dernier n’avait réagi que de quelques taches sur ma peau et quelques petits problèmes respiratoires assimilés à de l’asthme par mon médecin. Avril 2018, le diagnostic : cancer du sang Hodgkin, stade trois.
J’aurais dû être choquée, voire même anéantie. Mais j’étais calme, comme si je m’y attendais. Même avant la biopsie qui a confirmé le diagnostic, j’étais bizarrement heureuse, parce que c’était la première fois que je me faisais opérer : c’était une nouvelle expérience à vivre.
Comment l’annoncer à ma famille ? J’ai perdu ma sœur d’un cancer. Comment leur expliquer que ce qui nous avait causé une grande peine, il y a seulement quelques années, allait être une redécouverte de soi, une redécouverte de son potentiel et une redécouverte de l’autre ?
J’étais calme et satisfaite de mon destin : un destin exceptionnel, que j’ai accepté.
Cette énergie « d’acceptation » a touché mes frères et sœurs, individuellement et le plus paisiblement possible. Choc, déni, puis acceptation. Quant à mes parents, inutile de leur dévoiler toute la vérité : « Je suis malade et le traitement qu’on m’a prescrit pourrait entraîner une chute de cheveux ». « Une chute de cheveux ??! Pourquoi ? Est-ce un cancer ? ». J’ai nié, mais j’imagine qu’au fond d’eux, ils savaient.
J’ai commencé la chimiothérapie : des séances que je connaissais bien, et dont je savais l’effet. Mais j’ignorais l’effet qu’elles auraient sur mon entourage : soutien, amour, écoute… et surtout une certitude de ma guérison. Lors de chaque séance, un de mes amis se proposait pour m’accompagner. Je n’étais pas seule, j’avais des amis et j’en ai même découvert de nouveaux. Il m’était surprenant de découvrir le soutien sous toutes ses formes : messages de proches et d’inconnus, expression d’amour inconditionnel de petits et grands, prières sincères. J’en fus ressourcée. Même mon médecin, une femme aimable, humaine et dégageant une énergie positive, m’a énormément soutenue.
J’ai toujours su que j’allais guérir. J’étais persuadée que chaque moment de douleur et de souffrance m’offrait une vie pleine de sens et de réalisations, et me permettrait de me rapprocher de moi-même, de me ré-identifier, de me reconnaître, et de me rapprocher encore plus de Dieu.
J’ai continué à travailler normalement et sans aucune contrainte. Mon projet s’est développé et mon chiffre d’affaire a augmenté. Mes activités avec mes amis, ma présence dans la vie des autres, n’ont jamais cessé. Le cancer n’a pas été un obstacle mais mon élan de réussite. Cinq ans qu’il était dans mon corps. Cinq ans sans le savoir, sans en souffrir…, sans se bouleverser la vie.
Si j’avais pris connaissance de ma maladie il y a cinq ans, si elle s’était manifestée il y a cinq ans, si je l’avais su… Que ce serait-il passé ?
2013 : je me suis inscrite pour une nouvelle formation à la faculté, en parallèle de mon travail
2014 : j’ai découvert le travail associatif, et l’amour inconditionnel à travers des amitiés qui m’ont soutenue tout au long de ma maladie.
2015 : ma sœur est tombée malade : cancer stade quatre. Il était déjà trop tard et impossible qu’elle fasse de la chimiothérapie. Si j’avais su que j’étais malade à ce moment-là, cela aurait été une double souffrance : pour ma famille, avec deux filles atteintes du cancer, et pour ma sœur, qui me verrait en train de suivre un traitement qui lui avait été refusé. Et finalement pour moi, qui n’aurais pas accepté une guérison sans ma sœur.
2016 : j’ai quitté mon travail et me suis lancée dans une formation pour devenir un coach transformationnel. Un projet qui a nécessité de l’effort, de la persévérance et de la volonté. Si j’avais su que j’étais malade, j’aurais renoncé à mon rêve et aurais certainement abandonné.
Aujourd’hui, je continue mon voyage avec le cancer avec le même sourire, la joie, l’optimisme, la volonté. Je ne peux qu’être reconnaissante à mon cancer d’être patient et de m’avoir laissé la possibilité de réaliser mes rêves.
L’amour, sous toutes ses formes, le partage, le plaisir du travail et le plaisir de vivre… ce sont des valeurs que j’apprécie davantage, que je valorise et dont je jouis à présent.
J’ai compris le message : mon corps a besoin que je l’écoute. J’avais besoin de me reposer, et il m’a forcée à le faire, moi qui étais une accro au travail. Sans cette expérience, je n’aurais jamais pu découvrir et ressentir le bonheur d’être aimée et celui d’aimer, inconditionnellement, le plaisir de la reconnaissance et de la reconnexion avec soi.
Si le cancer était une personne, je l’aurais embrassé et remercié du fond du cœur.