Cécile
Date de publication du témoignage :
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RDV avec Cécile (Paris). Elle a créé l’association Skin pour aider les femmes à se reconstruire à travers l’art, se projeter à travers le beau.
J’ai toujours su que j’aurai un cancer. Mon père étant parti trop tôt à cause de cette maladie, j’avais été si choquée que je m’étais convaincue que je devrais un jour faire comme lui et affronter ma pire peur.
Je n’ai donc été ni étonnée, ni révoltée, lorsque le diagnostic a été posé, l’année de mes 40 ans. Bien sûr, après l’acte chirurgical (double mastectomie et annexectomie prophylactique), je me suis demandé dans quelle mesure je redeviendrais un jour une femme.
Pour autant, je ne me suis jamais sentie aussi légère que pendant cette année de traitements. Dans cet entre-deux surréaliste, délestée de mes cheveux, de mes kilos, de ma fidélité au devoir filial et de mes seins, je me sentais à l’abri des regards. J’ai appris à lâcher-prise, à me faire confiance et à accompagner le mouvement de la vie. J’existais enfin, j’étais libre. Les oncologues s’occupaient de me garder en vie, la famille et les quelques amis faisaient le reste.
Arrivée au terme de cette année, je me souviens que les médecins m’avaient mise en garde « Attention au phénomène de la Blouse Blanche ! ». Cela me faisait sourire. En deux mois, je crois bien avoir rattrapé dix années de sorties au théâtre, au cinéma, au restaurant. J’étais avide de vivre et de vivre à toute allure. Ce fut sans compter avec le double effet du traumatisme qui me revenait en boomerang et de la ménopause chirurgicale, aussi soudaine que violente. Très rapidement, j’ai décompensé. Ne dit-on pas qu’après la bataille on compte ses blessures ?
J’ai sombré dans la dépression alors que le monde autour cessait de s’inquiéter de moi, persuadé que tout était derrière moi et redevenait « comme avant ». Mes journées n’étaient plus rythmées par les soins. Je me retrouvais seule avec moi-même, ma culpabilité et mes pensées noires. Perdue, éperdue. Je n’étais plus celle d’avant la maladie et ne le serai plus jamais. Mais je n’étais pas non plus celle d’après.
Je n’osais bien sûr m’en ouvrir à personne. De quel droit pouvais-je me plaindre ? J’étais en vie. Qui pourrait comprendre ce sentiment de déshérence ? Alors, je me suis recroquevillée et me suis retranchée du monde. Plongée en solitude. Pendant ce temps j’écrivais. Des billets d’humeur. Pour laisser parler mes émotions. Au fond de moi, je savais que cette traversée servirait au jour aux autres.
J’ai croisé le chemin d’une photographe, Karine Zibaut. Sensible à mon désespoir, elle a commencé à me photographier. Ces rendez-vous ont duré longtemps. La mise à distance de l’image m’a permis de me ré-inventer.
C’est ainsi que j’ai créé l’association Skin – la peau, la mue, la reconstruction psychique et émotionnelle. Ce cheminement artistique en binôme avec Karine avait été si puissant d’un point de vue thérapeutique que j’ai voulu le proposer à d’autres que moi, tous supports confondus. Qu’il s’agisse des arts plastiques ou des arts vivants.
L’idée : rendre les femmes co-créatrices de leur reconstruction, les sortir du marasme de la solitude, leur permettre de se projeter autrement et par le beau.
Skin, c’est l’œuvre d’un tandem créatif, chacun se nourrissant de l’univers de l’autre. Le temps passé ensemble est essentiel.
Skin restitue ensuite ces créations dans des lieux prestigieux (galeries, salles de mairie, scènes de théâtre…) puis expose les photographies des œuvres/performances dans les services hospitaliers, pour toutes celles qui commencent leurs traitements.
Skin, c’est l’histoire d’un cercle vertueux, où une femme se console, se répare, puis tend le relais à d’autres, qui font l’expérience de la traversée du cancer.
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Crédit Photo : Jenny Bardelaye