Sophie
Date de publication du témoignage :
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RDV avec Sophie (La Seyne sur Mer). Elle apprend son cancer du côlon alors qu’elle est enceinte de quelques mois. Ou comment concilier grossesse et traitements.
Il était une fois une grossesse précieuse couplée à des nausées gravidiques et des douleurs intestinales insupportables. Je ne mangeais rien, je maigrissais à vue d’œil et je souffrais le martyr. C’est à 3,5 mois de grossesse que j’ai été opérée en urgence après une occlusion intestinale non diagnostiquée jusque-là.
Au réveil, j’ai une colostomie. On m’annonce que l’occlusion était due à une tumeur logée dans le sigmoïde. Deux jours après l’opération, c’est le premier confinement COVID en France : plus de visite à l’hôpital, je resterai 10 jours toute seule.
Les résultats de la biopsie arrivent : cancer du côlon. J’ai 41 ans un mari, une petite fille de 4 ans et un bébé dans le four, pour lequel nous sommes par ailleurs dans l’attente des résultats d’un caryotype car il y a suspicion de trisomie 21.
Je passe le week-end le plus long de ma vie à me questionner : Pourquoi moi ? J’ai peur, je vais mourir ? il faut que je laisse une lettre pour ma fille quand elle sera adulte, pour qu’elle sache que sa maman l’aime de tout là-haut. J’essaie de mettre de l’ordre dans mes idées, des priorités, des choses à faire au cas où…
La semaine suivante, je passe un scanner et c’est la délivrance : aucun autre organe n’est touché, sur les quatorze ganglions retirés, un seul est infecté. Le cancer est contenu et la chirurgie pratiquée a été oncologique, il n’y a plus de risque vital.
La suite est plutôt rapide : je dois malgré tout intégrer un protocole de de chimiothérapie afin de bien éliminer cet indésirable. Mon dossier passe en commission car je suis enceinte, il faut vérifier si nous pourrons poursuivre la grossesse.
La bonne nouvelle tombe rapidement : le protocole est validé et compatible avec la grossesse. En parallèle, nous sommes informés que notre bébé est en bonne santé, que le caryotype est normal : toutes les étoiles s’alignent !
Pose du PAC en avril, première cure quelques jours après. Chaque session est similaire : injection à l’hôpital et 48hrs à domicile avec une pompe à chimio. Je ferai cinq sessions, tous les 15 jours, avant que la naissance prématurée soit déclenchée par césarienne. J’aurais été incapable de donner naissance par voie basse de toute façon tellement j’étais fatiguée.
Dix jours après la naissance, j’enchaine sept autres chimios. Nous sommes mi-octobre, je me libère des traitements. Il me reste une chirurgie afin de retirer ma colostomie.
Au cours de cette année difficile, le soutien sans faille de mon mari, de ma fille, de ma famille et de mes amis m’a permis de ne jamais baisser les bras et de rester forte. Malgré la fatigue et le rythme soutenu pour réussir à tout faire (vaincre le crabe et faire naître un petit bout), ils m’ont permis de rester positive et combative.
Je souligne aussi le rôle important du corps médical : chirurgiens, infirmiers, oncologues, obstétriciens…
Le plus difficile a été de ne pas avoir pu m’occuper de ma fille aînée comme j’aurai s voulu, qu’elle subisse la situation, même si nous avons essayé de toujours conserver une vie « normale » et que nous lui avons expliqué la situation avec des mots qu’elle pouvait comprendre.
J’étais si fatiguée qu’à la naissance du bébé je ne pesais que 49 kilos pour 1,70m.
L’étape à laquelle j’étais le moins préparée c’était l’après-cancer. Entre sidération d’avoir réussi à traverser tout ça, et petite déprime qu’on n’arrive pas à expliquer, alors que tout va bien. Il est vrai que passer d’une année rythmée par les prises de sangs, les scanners, les chimios…à plus rien, c’est déstabilisant.
Depuis, j’essaie de vivre aussi normalement que possible même si le cancer est partout et en moi à vie (façon de parler). Je suis à jamais changée et je me rends compte tous les jours de la chance que j’ai eue.