Muriel

Date de publication du témoignage :

8 Fév. 2022

RDV avec Muriel (région Toulousaine). Elle nous raconte sa reconversion professionnelle en tatoueuse spécialisée dans le tatouage réparateur.

J’ai 45 ans et suis tatoueuse spécialisée en tatouage réparateur suite à une chirurgie mammaire. Je crée notamment des mamelons-aréoles en trompe-l’œil.
En 2017, par un de ces hasards que la vie réserve, j’ai ressenti le besoin d’acheter un magazine duquel je m’étais désabonnée. La lecture d’un article parlant d’un certain type de tatouage a de suite fait sens et a bouleversé ma vie. Je n’ai pas été touchée par le cancer à titre personnel ou bien dans mon entourage proche…mais il est des évidences comme celle de cet article.
Je ne me satisfaisais pas de mon emploi, n’y trouvant pas de sens, déconnectée de l’humain (après avoir été professeur de français, je travaillais alors dans une banque), n’étant qu’un maillon d’une chaîne… Plusieurs idées de reconversion m’avaient tentée mais sans jamais franchir le pas car il y avait toujours un frein. Je peux vous assurer qu’après avoir découvert cet article, il n’y a plus eu aucun doute !
Et pourtant, j’ai dû apprendre totalement un métier, le métier de tatoueur avec lequel mon seul lien était d’être tatouée… C’est peu. Mais j’ai foncé, car c’était une évidence, un signe, un besoin, une envie, c’était ce que je devais faire !
J’ai commencé par prendre des cours de dessin pour travailler les notions de volume, d’ombres et lumière : j’ai dessiné des poires, des pommes, des seins bien sûr. Puis, grâce aux nombreuses belles personnes rencontrées sur le chemin de cette reconversion (encore une fois merci le hasard, les synchronicités, peu importe le nom ou la valeur qu’on accorde aux signes), j’ai appris à tatouer. Mon premier mamelon-aréole, je l’ai tatoué sur un buste d’homme, à l’identique du sien pour m’entraîner; le sein du tatoueur qui m’a appris les bases, qui a cru en mon projet de reconversion. Il s’est rasé et m’a jetée dans le bain.
Puis, c’est ma jambe qui a servi de support ! Cela a été un long temps d’apprentissage des techniques et du matériel mais aussi de la colorimétrie, discipline tellement importante, puisque dans ce type de tatouage il s’agit (sauf dans les cas de double mastectomie) de venir reproduire la couleur de l’autre mamelon-aréole, la recréer au goutte à goutte et ainsi tendre vers le plus de réalisme possible.
L’art du tatouage est complexe et demande expertise et compétences; c’est une combinaison de qualités artistiques, de connaissance de l’anatomie de la peau, d’une hygiène stricte mais aussi et surtout, dans ce travail particulier de réparation du corps, de beaucoup d’écoute, d’empathie… sans pour autant tomber dans le pathos!
Nous passons beaucoup de temps ensemble avec les femmes, ce sont des moments d’échanges au-delà de la maladie et des informations nécessaires à mon travail (délai après la dernière opération, radiothérapie, type de reconstruction…).
Je suis là pour les accompagner et les aider à tourner la page. Je ne rends pas ce qui a été pris le long du chemin de la maladie, je reconstruis du mieux que je peux… Je les aide à continuer leur route, j’espère de façon plus sereine, plus « complète ».
J’ai soif d’en apprendre toujours plus, pour comprendre ce qu’elles ont traversé, les soins… à ce titre je suis membre de l’Institut du Sein Grand Toulouse, participe à des conférences, ai présenté mon travail à des soignants dans le cadre d’un DU plaies et cicatrisation, ai créé avec une amie une association qui a vocation à fédérer un réseau de tatoueuses spécialisées comme moi de manière à ce que les femmes n’aient pas à traverser toute la France pour enfin tourner la page.
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