Émilie
Date de publication du témoignage :
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RDV avec Emilie (Châtel Guyon). Porteuse de la mutation génétique BRCA, elle vit avec la peur et les doutes, et est devenue ambassadrice de l’association Généticancer.
Il y a trois ans, ma maman a eu un cancer. Je ne m’y attendais pas, j’ai eu du mal à l’accepter. Ce n’était qu’un kyste, tout le monde le disait. C’est un cancer très agressif, un cancer génétique. Heureusement aujourd’hui, elle est en rémission. Elle va aussi bien qu’on peut l’espérer après un tel combat.
Je fais le test. Je veux savoir si moi aussi j’ai le risque de traverser ce traumatisme. La réponse est oui, je suis porteuse du BRCA2, ce gène qui donne le cancer. Enfin, qui te place tout en haut sur l’échelle des risques d’avoir un cancer du sein, entre autre.
Ok, je ne m’étais pas projetée, mais ça m’a sonnée. Tout de suite, on parle de comment ça va se passer : les IRM tous les ans, la possibilité de faire une chirurgie prophylactique. J’y songe, j’y pense, je veux avoir encore le contrôle, que ce soit moi qui prenne la décision, pas le cancer.
J’ai un BRCA2. J’aimerais qu’on m’écoute, qu’on écoute ma peur, comme un animal qui rôde, prêt à me sauter à la gorge ou rester terrée toute ma vie. J’aimerais juste pouvoir dire ma peur, mais à la place, on me rassure, enfin on essaie… » Oui, mais là, aujourd’hui, tu n’as rien « , » C’est juste un risque « , » Ça se trouve t’auras jamais de cancer « , » Tu vas perdre ta féminité « , » C’est lourd comme opération pour quelqu’un qui n’a rien « …
Et puis il y a aussi les ovaires. Ben oui, sinon ce n’est pas drôle. Entre 40 et 45 ans, bye bye les ovaires, bonjour la ménopause, celle provoquée, qui débarque du jour au lendemain.
Laissez-moi le temps, le temps de mettre au monde un autre enfant, de sentir la vie, de donner la vie, de parler de la vie. Céleste est née, il y a un an. Elle est la vie, comme pour Jeanne, Augustin et Eliott. Ils sont la vie. Mes quatre enfants sont mon souffle de vie.
Et de mes seins, de donner le sein, d’allaiter mon enfant, autant que cela sera nécessaire, autant que cela me conviendra. L’IRM attendra. Que je redonne à ma poitrine ce qui est pour moi sa plus belle fonction : celle de nourrir mon enfant.
Je vais la faire cette opération, je choisis de choisir, je choisis de décider.
Alors, dès que ce sera le moment, je dirais adieu à ma poitrine, avec beaucoup de gratitude, pour laisser place à de nouveaux seins, sûrement en plastiques, qui feront office de féminité, et de garde-fou. Ça ne s’arrêtera pas là, mais je ferai le choix, du combat, le choix de mes armes, autant que cela sera possible. J’ai la chance d’avoir le choix.
J’ai un BRCA2, et comme toutes les personnes qui sont porteuses d’une mutation génétique qui augmente le risque d’avoir un cancer, j’ai le droit d’avoir peur, j’ai le droit de faire mes choix.
Je partage mon histoire, qui n’est pas terminée, pour faire connaître encore un peu plus ce que cela peut être de vivre avec un BRCA. J’ai décidé d’être ambassadrice de l’association Geneticancer qui accompagne les familles comme la mienne. Chacun le vit différemment, sans jugement : accueillir et orienter, respecter les choix, écouter leurs voix.