Anne

Date de publication du témoignage :

18 Déc. 2018

RDV avec Anne (Boudou), une aidante au grand cœur. Le cancer l’a rapprochée de sa maman, de son amie et son « new me ».

Le cancer a attaqué ma maman en 2007. Un choc pour moi car ne nous parlions pas, « j’étais une erreur, je lui avais gâché sa vie »… Pourtant, dans mon cœur, mes tripes, le lien mère-enfant a été le plus fort. Elle a été opérée puis chimio et malgré cela, on a appris que la maladie progressait et que son foie était atteint. Contre toute attente, je me suis entendue lui dire « je te donne le mien ». Un nouveau choc pour l’une comme pour l’autre. A partir de ce jour-là, nous nous sommes appliquées à nous découvrir et ne pas rester sur nos a priori. Ce furent mes meilleurs moments avec ma mère.
Le reste est très dur : l’incapacité à soulager, à comprendre. On veut être là, aider, et l’on sent que l’on fait du mal tout en voulant aider. Et puis les filtres tombent et ce sont toujours les plus proches qui prennent… Enfin, les rôles s’inversent : je ne suis plus l’enfant, elle ne peut plus être l’adulte. La souffrance physique est terrible et je ne peux rien faire à part la paix avec elle. Et ça fonctionne ! Elle s’éteint un lundi matin m’ayant remerciée et préparée à vivre sans elle, avec des paroles qui me portent encore. 11 après, la douleur est toujours là, le vide aussi.
14 mois après, mon Papa décédait, ne supportant plus de vivre sans son épouse. Il n’existe pas de mot pour exprimer ma souffrance. Et puis la résilience pointe le bout de son nez. Un besoin vital de donner du sens, de ne pas laisser d’autres personnes souffrir autant, ou du moins, leur dire : on peut survivre et la vie est belle ! Je crée alors une association qui tient ce rôle et je m’y jette corps et âme. Elle m’offre le plus beau cadeau : mon compagnon, avec lequel j’ai à ce jour 2 enfants.
Et là, M. Cancer repointe le bout de son nez dans mon cercle intime. C’est S., mon amie ! Impossible pour moi de me comporter avec elle comme avec les autres personnes. En larmes, on se dit que j’aurai une place d’amie et non un rôle « thérapeutique ». Un long processus se met en place. Et en même temps, je tombe enceinte. Du coup, je ne peux pas faire comme ma tête et ma volonté veulent. Alors, j’écoute S. et mon cœur. J’apprends beaucoup, je remets en question, j’avance. Je sors de ma zone de confort et j’essaie d’être là quand et comme elle en a besoin, je reste à ma place. Et je découvre une autre façon d’être présente, d’être aidante, où l’on peut conserver et son équilibre de vie personnelle et le devoir de présence. Cela me construit et m’aide chaque jour à être plus juste !
Ces épreuves m’ont façonnée, bousculée, structurée mais je ne serais pas la femme que je suis sans cela. Aujourd’hui, j’ai besoin de me consacrer à mes enfants et cela me nourrit au-delà de ce que je pouvais imaginer, moi qui avais tout perdu. L’autre partie, l’association, est en pleine reconstruction. L’aventure continue. La vie reprend toujours ses droits et souvent par des chemins détournés.
Alors, quoi qu’il arrive, lorsque l’on décide d’être aidant, on en ressort épuisé, mais différent, et le lien qui nous unit est très fort. Alors courage à tous, c’est un très mauvais moment à passer… mais ça passe !

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